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vendredi 12 mars 2010

Une nouvelle de Jean Bozonnat

Nous avons reçu de Jean Bozonnat la nouvelle suivante. Dans son message, il nous précise qu'il est d'accord pour que ce texte soit lu à haute voix par ceux qui l'auront apprécié : c'est notre cas. Bonne lecture. Espérons que cette très bonne initiative va tenter d'autres auteurs.

Camille Thomas


En attendant l’heure du repas qu’elle prenait au restaurant de la Résidence, Madame Longueuil feuilletait les revues disposées sur la table basse du hall. Elle jeta aussi un coup d’œil sur la feuille d’information qui donnait les nouvelles internes, le programme des activités, le compte - rendu des manifestations. Son regard s’arrêta sur la rubrique « ARRIVEES PREVUES AU 1er JUIN». Il s’agissait des nouveaux arrivants devant emménager à cette date dans un des appartements de cette Résidence pour personnes âgées.

Elle parcourut distraitement les noms jusqu’à ce que l’un d’eux la frappe de stupeur. C’était celui de Camille Thomas, venant de Villefranche. Elle laissa tomber la feuille et fut prise d’une sorte de tremblement. Une autre résidente, Madame Perrin, qui venait aussi pour le repas, s’aperçut de cette indisposition et s’approcha aussi vite qu’elle put pour la secourir

«Puis-je vous aider ? Puis-je vous aider ? ». Madame Longueuil lui demanda si elle voulait être assez aimable pour l’accompagner jusqu’à son appartement. Quand elle fut assise dans un fauteuil, Madame Perrin lui apporta un verre d’eau et demanda très gentiment ce qui n’allait pas. Madame Longueuil, d’une voix entrecoupée de sanglots, lui expliqua alors que cette Camille Thomas, dont elle venait de lire le nom avait été la maîtresse de son mari. C’est même en revenant de chez elle à Villefranche que de nuit et sur une route verglacée, il s’était tué sur le coup au volant de sa voiture. La perspective de la voir arriver ici était pour elle « l’horreur absolue ». Comment imaginer rencontrer tous les jours celle qui lui avait volé son mari et qui était en quelque sorte responsable de sa mort ?

Les jours suivants furent très difficiles à vivre pour Madame Longueuil. Elle passait une partie de ses journées à pleurer et ne cessait de se représenter de pénibles confrontations avec son ancienne rivale. Madame Perrin, avec qui elle n’avait pas particulièrement sympathisé jusqu’alors, venait souvent la voir et surtout pour l’écouter. La pauvre ne savait pas que dire pour essayer de la calmer. Il n’était guère possible de passer ici sa vie sans prêter attention aux autres personnes vivant dans la Résidence. Se cloîtrer dans son appartement n’était pas une solution: il fallait bien sortir faire des courses, se rendre au restaurant, participer aux quelques activités collectives.

Le comble fut lorsque Madame Longueuil s’aperçut que l’on avait déjà préparé la venue de la future résidente en mettant une étiquette à son nom, « Camille Thomas » en dessous de la sonnette de l’appartement qui était précisément voisin de celui qu’elle occupait. A l’idée qu’elles se verraient forcément en sortant sur leurs balcons mitoyens, qu’elle entendrait de temps en temps les bruits venant d’à côté, qu’elle aurait ainsi presque à cohabiter avec cette femme, ce fut l’effondrement. « Je veux partir d’ici. Je veux ficher le camp ! Et tout de suite …» répétait-elle à Madame Perrin. Bien sûr, elle n’était pas certaine de trouver facilement un autre logement, bien sûr cela lui occasionnerait tracas et frais, mais tout serait préférable à l’attente, à voir comment les choses se passeraient. Madame Perrin essayait de lui faire parler de cette Camille Thomas, de ce qu’elle pouvait savoir de son caractère, de la façon dont cette femme pourrait réagir en se rendant compte qu’elle devrait vivre sous le même toit que l’épouse de son ancien amant. Petit à petit, Madame Longueuil racontait comment elle avait eu des doutes sur la fidélité de son mari, les fausses explications, les humiliations, le choc de l’annonce de l’accident par un agent de police. Elle parlait des réactions de ses parents et de ses amis, de commentaires à voix basse surpris lors des funérailles : « Vous saviez qu’il avait quelqu’un à Villefranche ?» De cette femme elle-même, elle ne savait pas grand chose. Elle n’avait fait que l’entrevoir. Camille Thomas était à l’époque secrétaire dans une fabrique, elle était veuve et vivait avec sa fille qui maintenant devait sûrement être mariée. Madame Perrin essayait de suggérer discrètement à Madame Longueuil que partir serait en quelque sorte fuir devant cette femme, mais celle-ci lui répondait que ce n’était pas un problème d’amour -propre. Ce serait pour elle une impossibilité quasi physique.

La date fatidique du 1° juin approchant, Madame Longueuil n’y tint plus et frappa à la porte de la Directrice.

Passées les premières minutes de bavardage sur le temps qui n’était pas de saison, sur la réussite de la dernière journée des anniversaires…il fallut bien passer aux choses sérieuses.

Madame Longueuil se lança :

« - Je voulais vous demander. La personne qui doit s’installer dans l’appartement qui est voisin du mien, Camille Thomas…

- Oui, c’est cela : Camille Thomas. C’est quelqu’un que vous connaissez Madame Longueuil ?

- Pas exactement. Ou plutôt si, plus ou moins…

- Ah bon ! Parce que ce monsieur vient de nous prévenir que finalement il ne viendrait pas. Ses enfants ont trouvé une Résidence plus proche de Villefranche où il habitait.

- Ce « monsieur » ? « Camille » ?

- Oui, je sais. Camille n’est pas un prénom masculin très répandu. Par contre, des Thomas, comme nom de famille, il y en a des quantités. Et je suppose que cela doit bien aussi être le cas à Villefranche. Mais revenons à ce que vous vouliez me demander. Peut-être souhaitiez –vous échanger votre appartement contre celui d’à côté ?

- Non. Non. C’était surtout par curiosité par rapport à la personne qui devait venir.

Autrement…Je suis contente, très contente ! »

Madame Longueuil remonta chez elle. Elle ouvrit la porte fenêtre donnant sur son balcon, ferma les yeux et respira profondément. Puis elle se dirigea vers le téléphone, pour inviter Madame Perrin – elle l’appelait Solange, maintenant - à venir prendre le café avec elle. : Elle avait une nouvelle importante à lui apprendre. L’épreuve des jours passés lui avait ainsi apporté une véritable amie.

Le petit appartement était maintenant baigné de soleil.

Jean Bozonnat

jeudi 4 mars 2010

Butinage sur la toile. numéro 2

De nouveaux liens intéressants: